Le vote du 9 février 2014 place le pays face à un problème Cornélien: comment respecter le choix du peuple souverain tout en préservant une économie très intégrée à l’Union Européenne et déjà fortement fragilisée par le taux de change du Franc ?
En 2014, les exportations suisses se sont élevées à 208 milliards de francs contre 170 milliards d’importations. Pour la même année la Suisse a exporté 113 milliards à destination de l’UE mais importé 130 milliards ! 20.000 camions franchissent chaque jour la frontière suisse ! Ce n’est pas négligeable pour l’économie nationale. On peut évidemment songer à de nouveaux marchés, passer des accords de coopération avec la Chine, mais ceci ne compensera pas cela avant une décennie. A plus court terme, il s’agit de notamment protéger la recherche et la formation supérieure qui contribuent à l’avantage concurrentiel du pays.
Le respect “à la lettre” du vote conduira inexorablement à l’abandon de l’Accord sur la Libre Circulation des Personnes (ALCP) entrainant, dans la foulée, la résiliation de l’ensemble des Accords économiques Bilatéraux d’ici 2 ans, donc une mise en péril de l’économie du pays. Nombreux sont ceux qui préfèreraient éviter cela mais quel Conseiller Fédéral prendra le risque de violer une décision du Peuple?
Eveline Widmer Schlumpf prône un nouveau vote pour une nouvelle politique de l’immigration, distinguant les pays appartenant ou non à l’UE, mais avec le risque d’enfoncer le clou définitivement. Le peuple Suisse se déjugera-t-il pour céder aux oukases d’une Europe en crise ? Rien n’est moins sur !
Il est peut-être temps d’imaginer un nouveau cadre de négociation gagnant-gagnant.
Dans une économie mondialisée, l’Europe semble désormais constituer la seule alternative crédible face aux courants populistes du repli. Mais si elle ne parvient pas à endiguer cette menace au-delà de la Grèce, elle risque d’imploser pour le bonheur d’autres grands pôles militaro-économiques. C’est le cas aujourd’hui avec la Russie. On peut craindre aussi qu’après avoir maitrisé les marchés d’Asie centrale ou d’Afrique, la Chine s’occupe de l’Europe où la Suisse sera vraisemblablement une cible privilégiée.
Dans le contexte de tension actuelle, un premier scénario pourrait consister à gagner du temps, à laisser pourrir la situation, avec l’espoir qu’avant 2020 une Union affaiblie par plusieurs victoires populistes ne soit plus en mesure d’imposer quoi que ce soit. Nous pourrons alors nous féliciter d’avoir perdu 70 ans ensemble, en ayant respecté l’article 121A. Nos enfants apprécieront…
Une autre option consisterait à relancer le processus d’adhésion à l’Union sous certaines conditions, inversant ainsi la responsabilité du désaccord. Ce serait une victoire pour l’Europe que de rallier la Suisse, laquelle pourrait apporter beaucoup à un projet d’union politique. Son Histoire démontre qu’il est possible de réussir son cadre de vie dans une société multiculturelle.
La diplomatie helvétique ne pourrait-elle proposer d’aider l’Union à imaginer un plan d’action plus enthousiasmant pour les peuples, où il ne serait plus nécessaire d’émigrer pour survivre ? La BNS, dont les coffres regorgent d’Euros, ne pourrait-elle participer, aux cotés de la BCE, au financement d’un tel projet, démontrant ainsi une nouvelle solidarité de la Suisse avec ses voisins ?
Une telle démarche pourrait respecter la décision du 9 février, si l’on assortit cette aide d’une suspension provisoire et exceptionnelle de l’ALCP pour la Suisse, jusqu’à une adhésion définitive. Un investissement qui garantirait la continuité pour une économie helvétique encore florissante! Tout le monde sortirait gagnant d’un tel accord et l’Europe s’inscrirait enfin dans un Futur mobilisateur pour tous.